Voici un sujet souvent sensible car renvoyant à des aspects particulièrement douloureux de l'histoire et même à des controverses sociales tout ce qu'il y a plus d'actuelles.
Les «Races Humaines» ou le bal des confusionsJ'ai eu des discussions enflammées avec des personnes pour qui les «Races Humaines» existent et qu'il serait donc stupide de dire que celles-ci n'existent pas car cela reviendrait à nier la diversité de notre espèce. Cette confusion est assez commune et consiste à dire que s'opposer à la notion de «Races Humaines» revient à nier la diversité génétique humaine, ce qui est bien sûr totalement faux.
Ce genre d'objection est parfois le fait de personnes respectables et de bonne volonté qui n'ont rien de racistes. Par exemple un biochimiste sympathique mais borné nommé Laurence A. Moran affirme sur son blog que les races existent et que le nier est stupide puisque selon lui aussi nier l'existence de races reviendrait à nier la diversité génétique au sein de notre espèce, Laurence A. Moran n'est pas raciste mais ce qu'il dit est bien sûr totalement faux.
Sur le site
rationalisme.org auquel je participe
un joli dossier a été pondu à ce sujet de manière à répondre aux divers objections, aussi je poste ici quelques extraits de mise au point quand à l'existence des soit disant «Races Humaines».
En termes biologiques, lorsque l'on ne se résoud pas à accepter l'amalgame réunissant toute subdivision sous un même terme faussement synonyme, une race est une variété obtenue par sélection et croisements endogames, afin de conserver les caractères désirés. Les éleveurs ont donc fixé certains caractères morphologiques et comportementaux par des croisements consanguins successifs, qui les rendront aussi "homozygotes" que possible, en excluant de la lignée domestique les variantes non opportunes (= sélection et croisements). C'est ce procédé qui a permis de créer les différentes races de chiens, chats, chevaux, les variétés de pommes de terre, etc. A force de sélection et croisements endogames, les variétés de rats de laboratoire sont pour ainsi dire des quasi clones, tellement ils sont similaires au sein de leur propre variété... Une race est ainsi obtenue artificiellement, par "main d'homme", et ses caractères sont ensuite maintenus par un isolement génétique du reste de l'espèce souche, tout aussi artificiellement.
Ainsi, rien que par la bonne compréhension du concept de races, on peut déjà affirmer qu' il n'existe pas plus de races humaines qu'il n'existe de races de corneilles américaines, de lions d'Afrique ni de dauphins des anciens. Puisque notre espèce ne se reproduit pas de cette manière sélective et consanguine, typique à l'élevage, et qu'aucun isolement génétique n'est fonctionnel entre populations humaines ; le concept de races est donc à réserver à ces variétés d'espèces domestiques bien connues, qui toutes ont (ou ont eu) une souche sauvage d'où elles furent créées artificiellement.
Objection : Il existe des sous-espèces chez les animaux, c'est reconnu par tous les scientifiques. Si des sous-espèces existent chez les animaux à l'état sauvage, pourquoi des races (sous-espèces) n'existeraient-elles pas aussi chez les humains ?
Cette objection joue notamment sur la confusion entre deux sens du mot "races", bien différents l'un de l'autre : "races" est souvent utilisé pour désigner des sous-espèces, voire des espèces, particulièrement chez les anglo-saxons. Or même en acceptant une synonymie « races = sous-espèces », cette objection n'en serait pas une : l' Homo sapiens, tout comme le rat surmulot (Rattus norvegicus) ou la mouche domestique (Musca domestica) répandus eux aussi sur quasiment toute la terre, n'ont pas de sous-espèces connues.
Néanmoins, nous récusons cette synonymie entre races et sous-espèces, car ces deux termes différents correspondent à deux concepts différents - subtilement nuancés, - mais dont l'importance est déterminante. Dans les paragraphes au-dessus, nous avons déjà expliqué ce que race signifie. Récapitulons, et comparons maintenant races à sous-espèces :
Races: Variétés de l'espèce souche au pool génétique restreint, issues de procédés de sélections artificielles*croisements endogames successifs*isolement reproductif artificiel strict avec la souche naturelle et les autres variétés. Résultante: tendances vers 1:1 d'homozygotie et 1:1 de proximité génétique interindividus. Sous-espèces: Variétés géographiques de l'espèce (toujours interfécondes), issues de relatif isolement génétique (souvent géographique)*conditions environnementales/évolutives favorisant l'apparition de caractères distinctifs intergroupes. Résultante: tendance hypothétique vers la spéciation (non accomplie), avec conservation de polymorphie génétique dans le groupe. |
Ainsi, selon ces différentes définitions, très précises, écartant la polysémie du mot "races", les lions d'Asie et les lions d'Afrique sont des sous-espèces du Lion (Panthera leo) et non des races de lion. Bien d'autres espèces animales ont des variétés géographiques actuellement considérées comme sous-espèces, mais peu d'entre elles ont des races (issues de procédés d'élevage) : les différentes variétés de chiens sont, toujours selon ces définitions cadrant bien les différents concepts, des races de chien. Le chien étant, lui, la variété domestique de Canis lupus. Idem pour le rat noir et ses différentes races de laboratoire : elles ne sont pas des sous-espèces en tant que « pool génétique différent des autres », mais bien des races, en tant que "pool génétique restreint", résultant de l'exclusion des caractères indésirables et des autres procédés de reproduction endogame.
Ajoutons que plus que le concept lui-même, le statut de "sous-espèces" est à son tour souvent sujet à subjectivité, polémiques et mauvaises interprétations. Certaines sous-espèces traditionnellement considérées comme telles, parfois depuis le temps de Linné, gagneraient dans bien des cas à être qualifiées de « variétés géographiques » ou parfois même de « populations nicheuses », au cas par cas. Bien des sous-espèces disparaîtront de la taxinomie lorsque des analyses génétiques fines seront effectuées.
L'examen génétique des populations humaines démontre l'unicité, en mosaïque combinatoire, d'Homo sapiens sapiens, sans aucune sous-espèce actuelle ¬
La génétique des populations humaines fournit des résultats surprenants. D'un côté les études les plus récentes démontrent que l'être humain a une moindre diversité génétique que bien d'autres espèces (l'ADN de deux humains diffère d'une paire de bases sur 1000, tandis que ce serait de l'ordre de 1/500 chez le chimpanzé) et d'autre part, que la plupart de changements se trouvent entre deux individus, n'importe lesquels, de n'importe quelle origine "La proportion moyenne de différences de nucléotides entre deux humains choisis au hasard est systématiquement estimée entre 1/1000 et 1/1500. Cette proportion est basse, comparée avec beaucoup d'autres espèces, des drosophiles aux chimpanzés". (7)
Ce casse-tête s'explique en partie par les vagues migratoires et un flux génétique constant. Comme déjà dit et répété, cela n'exclut pas l'existence d'un certain nombre de différences génétiques (et morphologiques) inter populations, des différences de fréquences, qui ont d'ailleurs été utilisées pour reconstruire l'arbre phylogénétique-migratoire des populations humaines. Arbres à ne pas mésinterpréter, d'une part comme reflets graphiques de (l'existe des) races humaines, ni d'autre part comme d'une phylogénie au sens strict : ces arbres sont construits à partir d'échantillonnages d'individus et de fréquences - de présence ou absence - de caractéristiques déterminées (échantillonnage ici aussi) : les résultats sont alors le reflet d'un mix entre migrations et proximité paléogéographique, rassemblements en agrégats ethniques bio-culturels, et leur cascade de flux et recombinaisons génétiques.
A) Arbre simplifié des populations humaines, sous une présentation classique par clades. Cet arbre est la synthèse d'une analyse génétique de 120 allèles polymorphes, parmi 42 populations. Il présente les relations de parenté/proximité entre populations. (L. Cavalli-Sforza et A. Piazza, 1988). Cet arbre n'est donc pas faux, il est scientifiquement correct puisqu'il représente les relations et distances moyennes qu'il lui est demandé de représenter sur les critères considérés. B) Sur la base du même arbre ont été ajoutés (en rouge) une partie grossièrement esquissée des grands échanges de migrants entre populations. Plus complet, cet arbre comble graphiquement la lacune de l'arbre A, à savoir qu'il ne consiste plus en une simple fission de populations, valable pour représenter les relations entre taxons avec barrière reproductive accomplie mais peu démonstratif de la complexité de la généalogie des populations humaines - toutes interfécondes et le fruit d'échanges continus. C) Toujours le même arbre mais encore plus complet et raffiné : on y superpose d'autres métissages interpopulations et flux génétiques. |
On pourrait continuer avec un graphique D, puis E, etc. augmentant le réalisme et opacifiant encore plus la représentation... Mais l'idée et tendance se dégagent déjà dans le graphique C: "L'évolution des groupes humains peut être comparée aux bras d'un fleuve qui se séparent et se recombinent de nombreuses fois". Qu'est-ce qu'un Péruvien de Lima ? Le résultat d'une de ces recombinaisons de multiples bras : amérindien inca + sénégalais + espagnol de Séville ? Mais qu'est-ce qu'un espagnol de Séville ? Le résultat d'autres recombinaisons wisigoths, ibères, berbères, etc. Le natif de Lima est avant tout lui-même, une combinaison unique issue d'un puzzle de caractères...
S'ils sont utiles pour tenter de reconstituer les grandes lignes de l'histoire de notre espèce, les arbres de l'humanité ne montrent pas l'absence/présence de caractères déterminant une population, mais les mouvements et proximité relatives, bio-culturelles et géographiques de populations - par la fréquence de ceux considérés entre populations. Conséquence : "Lorsque le nombre de populations étudiées et que l'échantillonnage d'individus considérés dans chaque population est augmenté, on observe alors que seul existe un gradient de variation entre les extrêmes géographiques". D'autre part, ces tentatives de reconstitution phylogénique sont toujours victimes d'un certain passif culturel et de préconceptions du chercheur lui-même (!) qui s'immiscent à plusieurs niveaux, tant dans la méthodologie que dans l'interprétation de l'étude. On ne peut totamenet se débarrasser de ces intrusions à l'intérieur d'une espèce : l'hérédité biologique est quantitative et fractionnée, alors que les classements - même en populations très réduites - sont qualitatifs. Les catégorisations tranchées de l'esprit humain ne se concilient pas avec les gradients combinatoires biologiques naturels : "Chaque individu est génétiquement unique et présente une combinaison originale de caractères physiques et génétiques. On peut donc dire qu’il y a actuellement 7 milliards de races, ce qui ne sert pas à grand chose. Sinon, il est très facile de constituer des systèmes de races en donnant de l’importance à certains caractères et en oubliant les autres. Mais les multiples tentatives en ce sens montrent que la diversité humaine est telle que l’on obtient ainsi des classifications très différentes selon le choix des caractères utilisés. On peut retenir que la diversité génétique humaine varie de manière continue, d’une population à l’autre, principalement en fonction de la géographie, de l’histoire des peuplements et des conditions écologiques de leurs lieux de résidence passés et actuels. Ce que l’on appelait types raciaux autrefois ne constitue que les extrémités idéalisées d’une variation continue. Au sens scientifique, il n’y a donc pas de races chez les humains, bien que beaucoup de caractères varient d’un individu à l’autre. La situation est différente dans d’autres espèces où des populations ont été séparées pendant longtemps et a sans doute été différente chez les humains fossiles. Les Néandertaliens constituaient au moins une race et peut-être même une espèce différente."
Objection : Il existe maintenant des cartographies des maladies selon les races humaines, comme par exemple la maladie de Tay-Sachs, qui est très répandue chez les Juifs Ashkénazes.
Cette affirmation est le typique tissu d'approximations et de contrevérités où des éléments d'hérédité élémentaire sont déguisés en démonstration raciale.
Cette grave maladie génétique dite de Tay-Sachs, est autosomique récessive, et se développera chez les enfants homozygotes pour le gène incriminé. Les porteurs d'un seul allèle n'en sont pas affectés. Les Juifs Ashkénazes sont une communauté religieuse dont les membres sont d'origines diverses mais qui, par la coutume religieuse de mariages intra communautaires (des communautés souvent de petits effectifs), ont considérablement augmenté l'homozygotie du gène mutant. La fréquence habituelle de porteurs du gène est de 1/250, alors qu'elle est moyennement dix fois plus élevée dans les communautés ashkénazes. D'autres maladies génétiques récessives sont à leur tour plus répandues dans des petites populations ou communautés pratiquant le mariage intra communautaire que chez les autres. Rien de moins étonnant, puisqu'il s'agit d'une prédiction élémentaire d'hérédité mendélienne.
Il s'agit donc encore ici de fréquence dans les populations et non pas de "caractéristiques d'une race humaine" : cette fréquence très élevée de porteurs, et par conséquent des individus exprimant la maladie, se retrouve d'ailleurs chez d'autres populations tels que les Canadiens français et les Cajuns de Louisiane... Ajoutons que puisque cet allèle récessif est répandu - sous des fréquences diverses - dans toutes les populations, cela démontre autant l'aspect combinatoire des populations humaines que l'inanité de l'objection transférée en "démonstration raciale".
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